Que sait faire Nelson, le robot-consultant ?

 

L’interface créée par un ancien consultant de Theano – qui incube la start-up et en est actionnaire – n’en est pas encore au stade d’un robot qui débiterait des centaines de recommandations stratégiques à la seconde pendant que les humains le regarderaient en se roulant les pouces. Ceci dit, les fondateurs travaillent à l’automatisation – sous forme de chatbot supervisé dans un premier temps – de plusieurs parties de la prestation de conseil. Reportage.

 

13 Mar. 2018 à 16:21
Que sait faire Nelson, le robot-consultant ?

 

Nelson, le consultant-robot, hébergé chez Theano Advisors depuis bientôt deux ans, est né dans l’esprit de Gaëtan Barral lors d’un stage de césure à HEC en 2011. Il se retrouve catapulté bras droit du directeur général d’une PME, en difficulté, de 70 personnes spécialisée dans la sécurité.

Il prend toute la mesure de la solitude d’un dirigeant de sociétés de tailles intermédiaires. Parfois faute de savoir chercher les bons conseils aux bons endroits. « Les PME sont d’abord extrêmement méfiantes vis-à-vis des consultants externes, puis très fidèles une fois qu’on a gagné leur confiance », dit Gaëtan Barral.

L’idée restera. Après avoir obtenu son diplôme de l’école de Jouy-en-Josas, cette idée resurgira en 2014 à son arrivée chez Theano – créé en 2012 par Michel Zarka, une figure du conseil aux dirigeants (ancien CEO France d’Oliver Wyman Delta) – qu’on lui avait recommandé par bouche-à-oreille.

« Au début, on ne pensait même pas au digital »

Rapidement, il consacre quelques heures par semaine au développement d’une nouvelle ligne de service qui rendrait accessibles les prestations d’un consultant en stratégie à de plus petits comptes. « Au début, on ne pensait même pas au digital », se souvient Gaëtan Barral. Par itérations successives, le modèle tâtonne et s’essaye à des solutions assez différentes, d’abord trop larges et universelles.

Le manque de données structurées et accessibles est une barrière infranchissable. Puis pivote vers un outil plus simple de pilotage, façon Gantt, Trello ou Microsoft Project, sans doute moins innovant. Change à nouveau lorsque Matthieu Torras, un ingénieur et entrepreneur de 38 ans, monte dans la barque en octobre 2017 après avoir revendu sa propre activité dans la supply chain.

Pivot sur pivot pour arriver au modèle actuel

Deux ans après son lancement, Nelson n’en est donc pas à son premier pivot. La société compte tout de même une vingtaine de clients et a levé un million d’euros. Vingt des trente-deux actionnaires sont des salariés de Theano, mais les fondateurs tiennent à ce que la start-up soit distincte du cabinet de conseil qui l’incube.

De quoi est désormais capable Nelson ? Attention, les fantasmes autour de R2-D2 volant et prenant d’assaut les paperboards et les salles de réunion pourraient être déçus. Non, Nelson est plus terre-à-terre. « Nous ne sommes pas là pour fomenter une pseudo-révolution en secret, mais pour concevoir la stratégie de manière différente. Ce qui en laisse certains dubitatifs, parce qu’ils voient le conseil en stratégie comme un art », dit Gaëtan Barral.

En l’état, Nelson se présente comme un service applicatif, une interface sur ordinateur sur laquelle les entrepreneurs peuvent organiser et préciser leur plan de marketing stratégique, identifier les clients et les canaux de distribution.

Nelson capture 1

Des consultants augmentés

Fort du constat qu’une majorité de fondateurs de start-up ont des profils commerciaux ou d’ingénieurs dont le point aveugle est la compréhension fine de qui est leur client. Cette interface est doublée d’un suivi au cordeau, une fois par semaine par chat, que réalise Gaëtan Barral.

« Pour l’instant, on vend du Gaëtan augmenté », s’amuse Matthieu Torras. Dans les faits, l’offre de valeur ajoutée de Nelson se situe à plusieurs niveaux : optimiser le temps efficace de la prestation de conseil grâce au télétravail et à l’absence de déplacements, accompagner des entrepreneurs qui seraient sinon esseulés, ouvrir le conseil en stratégie à une clientèle qui n’y a pas accès par ailleurs…

Ce qui n’inclut que peu ou pas d’intelligence artificielle (IA) ? Oui et non. Car tous les échanges avec la vingtaine de clients sont analysés au mot près : pour voir où sont les déperditions, les pertes de temps et les schémas récurrents des échanges entre un consultant et son client.

Bientôt un chatbot pour faire une segmentation marketing ?

Avec à terme la perspective de pouvoir automatiser plus franchement plusieurs parties de la relation consultant/client. Par exemple sous la forme d’un chatbot qui amènerait par questions-réponses successives à déterminer automatiquement la segmentation marketing d’un entrepreneur qui se lance.

Toujours sous supervision humaine pour éviter le phénomène Tay, le chatbot de Microsoft qui vingt-quatre heures après son lancement s’est mis à tenir des propos racistes et misogynes. En revanche, les recommandations stratégiques par robots interposés sont encore une échéance lointaine.

« Quand bien même les plus gros cabinets de conseil en stratégie investiraient des centaines de millions de dollars, ils ne pourraient pas aller beaucoup plus loin par manque de données structurées et parce que l’IA n’en est pas encore là. Les technos développées par Google ou Amazon ont le QI d’un enfant de 6 ans », explique Matthieu Torras.

Une vintaine de start-up clientes

Il n’empêche qu’une vingtaine de start-up et quelques PME – héritées des modèles antérieurs de Nelson – trouvent leur compte à ce suivi par chat interposé et à un prix défiant toute concurrence : 400 euros par mois.

Une chaîne de sandwicheries à Paris que Nelson a convaincue de lancer dès à présent la communication sur son produit avant même d'avoir trouvé son point de vente, et ce afin de se constituer une communauté de premiers clients ; un vendeur de douches écologiques à qui Nelson a recommandé de cibler son développement commercial sur un segment porteur afin de réduire son cycle de vente ; un éditeur d'applications web dans le domaine du recrutement dont Nelson a orienté la communication vers les candidats et non plus les employeurs pour réduire ses coûts d'acquisition...

Les résultats sont là et les entrepreneurs reviennent à échéances régulières voir leur confident cybernétique. Ce qui aux yeux des fondateurs a de nombreux avantages en comparaison de missions délivrées par des cabinets de conseil en stratégie classiques.

Nelson capture 2

Fini les désagréments du consultant au quotidien ?

« Nous avons un temps efficace incroyablement plus élevé. Ce qui amuse un jeune consultant qui entre dans ce métier c’est de résoudre des problèmes compliqués parce qu’il était fort en mathématiques. Souvent, il se retrouve à passer le plus clair de son temps à faire des micro-retouches sur des PowerPoint, à trouver la salle avec le rétroprojecteur ad hoc ou à faire la danse du ventre pour dire de manière politiquement correcte les vérités qui font mal à son client. Ce qui ne dérange pas les donneurs d’ordres pour qui les coûts marginaux superflus sont insignifiants », tacle Gaëtan Barral.

Nelson I.A. est en évolution permanente, défendent les entrepreneurs qui assument que l’automatisation des tâches les fascine. Ils sont même allés un peu vite en besogne sur ce point : une des premières versions de Nelson prévoyait une première prise de contact par formulaires interposés au lieu de plusieurs échanges de vive voix ou par téléphone comme il est d’usage pour commencer une mission de conseil. Ce qui en a rebuté plus d’un.

« Travailler pour Nelson, c’est être prêt à se laisser remplacer par un ordinateur. Le projet ne laisse personne indifférent : soit il fascine, soit il terrifie », dit Gaëtan Barral.

Objectifs désormais : signer une start-up à la marque connue et constituer une bibliothèque de stratégies à succès glanées auprès de start-up dont le modèle économique a fait ses preuves. Pour, là aussi, imaginer quelles automatisations pourraient émerger à l’avenir.

Benjamin Polle pour Consultor.fr

 

13 Mar. 2018 à 16:21
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