Ce que disent les consultants de la réforme de la SNCF

 

Consultor poursuit sa série d’entretiens sur ce que les consultants disent des actualités économiques du moment. Cette semaine, nous avons interrogé plusieurs associés, spécialistes des questions de mobilité, sur le rôle que le transport ferré pourrait tenir à l’avenir en France et la pertinence de la réforme actuellement envisagée par le gouvernement d’Édouard Philippe.

 

28 Fév. 2018 à 14:06
Ce que disent les consultants de la réforme de la SNCF

 

Le Premier ministre a indiqué lundi 26 février qu’il voulait que cette réforme aboutisse par ordonnances avant l’été. Angelos Souriadakis, senior partner chez Ylios, et Éric de Bettignies et Rémi Cornubert, deux associés chez Advancy, ont répondu à nos questions. Interview.

Deux mois pour décider. Une dizaine de jours après que l’ancien patron d’Air France Jean-Cyril Spinetta a remis son rapport au gouvernement français sur « l’avenir du transport ferroviaire », le Premier ministre Édouard Philippe a indiqué lundi 26 février qu’une réforme de la SNCF s’impose et laisse deux mois de concertation avec les syndicats, les élus et les usagers.

Fin du statut des cheminots, ouverture à la concurrence, audit des lignes et suppression de celles qui sont le moins utilisées, organisation et statut juridique de la SNCF… les contours d’une réforme par ordonnance doivent être arrêtés d’ici l’été.

La méthode retenue par le gouvernement français pour réformer le secteur ferroviaire est-elle la bonne ?

Angelos Souriadakis : La méthode choisie par le gouvernement français est celle d’une analyse, par un sachant du secteur, des points faibles et des points forts du fonctionnement du secteur ferroviaire et de l’opérateur historique. C’est une méthode à laquelle a recourt la plupart des gouvernements européens pour clarifier et dépassionner les enjeux d’une démarche de transformation en profondeur d’un secteur économique.

Et les objectifs poursuivis sont-ils réalistes ?

Éric de Bettignies : La SNCF est au cœur d’une révolution des mobilités. Ses gares, autrefois porteuses d’un petit miracle qui consistait à aller au Touquet ou en thalasso à Biarritz depuis Paris, ont raté un tournant au XXe siècle mais sont aujourd’hui un de ses actifs clés comme futures plateformes commerciales et multimodales. La SNCF a voulu investir partout au titre d’une péréquation sociale (la dette de SNCF Réseau atteint 46,6 milliards d’euros à la fin 2017, NDLR) dont les récents exemples des gares Montparnasse et Saint-Lazare montre qu’elle n’a pas les moyens et nécessite une stratégie d’investissement et de mise à niveau plus focalisée.

L’ouverture à la concurrence est un des sujets très épineux sur la table. Le rôle du secteur privé dans le rail britannique, l’un des plus vieux exemples que nous ayons sous les yeux en Europe, est sujet à des interprétations antagonistes : pour les uns, elle a été moteur de progrès et d’amélioration du service, pour d’autres, elle a conduit à une détérioration de la qualité de service et des coûts. Comment la France peut-elle s’inspirer du modèle britannique ?

Angelos SouriadakisAngelos Souriadakis : La question de savoir s’il faut ouvrir le secteur ferroviaire à la concurrence a été tranchée par l’Union Européenne dans les paquets ferroviaires. Il s’agit maintenant de savoir quelles sont les modalités d’ouverture à la concurrence les plus à même d’améliorer la qualité de service, de réduire les coûts, d’introduire des innovations dans l’offre. Deux logiques pourraient prévaloir : soit la mise en concurrence de l’exploitation des sillons à la manière des slots aériens qui sont attribués aux compagnies aériennes, soit des appels d’offres mettant en concurrence des opérateurs de mobilité pour l’exploitation de blocs de lignes, qui sont alors confiés sur une période longue à l’opérateur le mieux disant. C’est cette dernière méthode qui a été utilisée en Grande-Bretagne et qui a généré de nombreuses critiques, en particulier concernant la sécurité et la ponctualité.

Le processus d’ouverture du marché devrait être lancé en 2019, pour une présence effective d’opérateurs concurrents de la SNCF sur le réseau français à partir de 2021. Ces délais sont-ils tenables ?

Angelos Souriadakis : Si une loi est votée dès 2018, comme c’est prévu, je pense que oui. Elle permettra aux possibles nouveaux entrants – des Français, comme Transdev, des Européens ou d’autres acteurs non-européens, comme MTR – de décider, au vu des conditions réelles de mise en concurrence, s’ils veulent se porter candidats à l’exploitation de lignes.

Autre éléphant au milieu de la maison SNCF : la suppression de 9 000 kilomètres de lignes sur un total de 35 000 kilomètres. Cette proposition du rapport Spinetta a été écartée lundi par Édouard Philippe. Quelle est la bonne démarche à adopter à ce sujet ?

Remi CornubertRémi Cornubert : Il faut arbitrer agressivement entre les lignes que la SNCF peut conserver et celles qu’elle doit arrêter. Il faut faire le deuil de la démultiplication des infrastructures lourdes entre les plus petites agglomérations, pas assez utilisées et coûteuse à entretenir. Un travail qui devra se faire en étroite collaboration avec les collectivités territoriales et l’État. Ce n’est pas « le TGV ou rien ». Entre les transports individuels plutôt privés et les transports collectifs plutôt publics, les frontières s’estompent aujourd’hui. Et donnent aux collectivités publiques la possibilité de moduler leur offre de services – et les coûts qui vont avec – en fonction des pics et des creux de la demande.

Parfois, des solutions dix fois moins coûteuses sont tout autant voire plus efficaces. Prenez la navette électrique autonome urbaine Navya, qui circule à Lyon et à Nanterre. Son fabricant français la développe en Asie, en Australie et aux États-Unis : elle préfigure le transport de demain dans les villes.

Angelos Souriadakis : Nous sommes aujourd’hui confrontés en Europe à deux approches en matière d’optimisation de la gestion des lignes ferroviaires. Un premier modèle consiste à faire des efforts pour rentabiliser l’ensemble des lignes, y compris les plus petites. Un autre modèle consiste à les remplacer par des liaisons routières ou de nouvelles formes de mobilité comme le co-voiturage.

Lequel vous semble le plus pertinent ?

Angelos Souriadakis : Trois éléments nous paraissent devoir être pris en compte pour les arbitrages. D’une part, quelle est la stratégie de la région dans laquelle ces lignes sont situées en matière de développement économique et social ? Si c’est une région touristique, agricole, industrielle, côtière, la stratégie et l’utilité des transports peuvent varier du tout au tout. D’autre part, quelle est la réalité de la mobilité et la capacité des habitants à se déplacer ? Enfin, quels sont les résultats de l’analyse coût – bénéfice sur les liaisons point à point que l’on souhaite développer ? Nous ne serions pas étonnés que le gouvernement décide qu’il s’agit d’un sujet à régler entre l’État, l’opérateur et chaque région. En tout cas, nous ne pouvons pas continuer à promouvoir une péréquation identique à celle de la distribution d’électricité : la même offre au même prix partout. La rapport Spinetta et la concertation qui s’ouvre sont l’occasion de réfléchir aux différentes formes d’exercice des obligations de service public du transport.

Autre proposition phare du rapport Spinetta : limiter les dessertes du TGV jugées trop nombreuses en l’état. Est-ce justifié ?

Éric de Bettignies : La plupart des lignes TGV ne dégagent pas un centime de marge. Les alternatives existent : BlaBlaCar, les bus Macron… Comme l’a dit d’ailleurs le Président Emmanuel Macron, nous ne poserons pas des A380 à Brive-la-Gaillarde.

Angelos Souriadakis : Le TGV est une vitrine emblématique du savoir-faire français en matière d’infrastructure ; c’est aussi une connexion entre les grands hubs urbains, et en particulier Paris, qui continue d’alimenter nombre d’espoirs régionaux, quand bien même d’autres solutions plus pertinentes existent. Le rapport Spinetta a le mérite de remettre l’église au centre du village : les infrastructures ferroviaires doivent être jugées selon une logique de merit order, au même titre que les autres infrastructures.

De quel autre levier dispose la SNCF pour assainir ses comptes ?

Eric de BettigniesÉric de Bettignies : De ses gares ! La gare du Nord, par exemple, est une des gares les plus fréquentées au monde. L’appel d’offres en cours d’attribution pour repenser son organisation à échéance 2024 est un modèle à suivre pour l’ensemble des gares françaises. Regardez l’Apple Store de Grand Central à New York. La SNCF doit capitaliser sur les nœuds de flux uniques dont elle a la gestion dans ses gares. Et le nombre de services qu’elle peut y déployer est considérable : entre rentrer chez soi à l’heure de pointe, se faire bousculer et arriver en retard à la salle de sport près de son domicile, ou utiliser une salle de sport tout confort dans la gare, puis rentrer tranquillement chez soi, le choix est vite vu. 

Last but not least, Édouard Philippe a annoncé lundi que tout nouveau salarié entrant à la SNCF ne bénéficiera pas du statut de cheminot. Est-ce réaliste ou sous-estime-t-il la levée de boucliers qui se prépare ?

Angelos Souriadakis : La France n’en est pas à son coup d’essai en matière de réforme des régimes sociaux. Elle l’a fait, avec réussites, pour France Télécoms et pour La Poste. Elle devrait pouvoir le faire pour la SNCF. Des solutions sont à portée de main.

Propos recueillis par Benjamin Polle pour Consultor.fr

Angelos Souriadakis Éric de Bettignies
28 Fév. 2018 à 14:06
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commentaires (1)

Thierry Richard
02 Mar 2018 à 12:37
On ne comprend pas bien le point de vue.
Article très évasif. Ce n'est pas au niveau, désolé de vous le dire

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Angelos Souriadakis Éric de Bettignies
2022-11-20 19:47:33
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