Mark Fuller, CEO de Monitor Group, démissionne au cœur du scandale libyen

Pourquoi le co-fondateur du cabinet de conseil quitte-t-il Monitor ?

Le point sur l’affaire Kadhafi – Monitor, et sur ses répercussions pour le cabinet, pour Mark Fuller et pour Michael Porter.

Consultor
18 mai. 2011 à 18:35
Mark Fuller, CEO de Monitor Group, démissionne au cœur du scandale libyen
Thierry Ehrmann courtesy of Organ Museum ©2011

Quand Monitor travaillait pour Kadhafi (2006-2008)

C’est Michael Porter qui a permis à Monitor d'entrer en Libye via un plan de modernisation de l’économie libyenne. Le CEO de Monitor Group , Mark Fuller, a ensuite misé sur un pitch visant à redorer le blason du régime autoritaire pour faire fructifier ce point d’entrée et développer le business.

Selon la proposition commerciale de "Monitor" à Kadhafi rendue publique par l'opposition libyenne et mise en ligne par le site Mother Jones, Fuller écrit ainsi au chef des services secrets libyen : « Nous pensons qu’il est temps de mettre en marche le Conseil National de Sécurité […] sans quoi le pays court un danger réel », et parlant de son plan de modernisation des forces de sécurité libyennes « Nous sommes prêts à mener ce plan, tout en suivant votre avis dans son déroulement ».
Un câble de Wikileaks a ensuite montré que les recommandations de Monitor étaient déjà au moins partiellement mises en place fin 2007, bien que le cabinet de consulting n’ait officiellement jamais décroché cette mission.

Rencontre entre Mutassim Khadafy et Hilary Clinton organisée par MonitorParmi les autres services rendus par Monitor Group à Kadhafi, pour trois millions de dollars, citons également l’écriture d’une biographie élogieuse du dictateur (cosignée par Mark Fuller et Benjamin Barber, mais jamais publiée) et l’aide des consultants de Monitor pour que le fils de Kadhafi obtienne son doctorat à la London School of Economics.

Les actions de stratégie de communication et de lobby orchestrée par les associés de Monitor et leurs consultants en faveur de Kadhafi ont porté leurs fruits, notamment par le biais des commentaires de Benjamin Barber (un expert reconnu du think-tank Demos), avec par exemple cet article dans le Washington Post Gaddafi's Libya: An Ally for America?. Monitor a également permis au gouvernement libyen, de façon plus ou moins directe, d’avoir des contacts directs avec la Maison Blanche qui ont abouti à une rencontre officielle entre Mutassim Khadafy et Hillary Clinton en 2009.

Les conséquences de l'affaire Kadhafi - Monitor

Avec le conflit avec le régime lybien, le scandale a éclaté, les critiques fusent contre le cabinet de conseil en stratégie, et la réputation de Monitor est peut-être irrémédiablement ternie. D'autant plus que le parquet américain a déclenché une action en justice .

Le cabinet de conseil a d'ailleurs publié ses excuses et ses regrets dans un communiqué officiel, dont voici un extrait : "Our work in Libya does not capture accurately who we are, what we do, and what drives us [...] We also regret that during the course of our work we did make some errors in judgment, which we have acknowledged and have vowed not to repeat".

La demande de trois mandats d’arrêt par la Cour Pénale Internationale ce 16 mai contre Mouammar Kadhafi, son fils et son beau-frère, pour Crimes contre l’humanité ne va sans doute rien arranger à la tourmente médiatique dans laquelle est plongée Monitor (dont la faible notoriété en France explique son traitement quasi-inexistant par les médias français).

Des missions de conseil illégales

Si elles sont évidemment questionnables sur un plan éthique, certaines des missions de Monitor se seraient même révélées irrespectueuses de la législation américaine. C’est le cas du « Visitor program », un programme de lobbying pro-Kadhafi qui n’aurit pas été déclaré aux autorités américaines (comme toute action de lobbying se doit de l’être) et qui n’aurait pas respecté la loi sur l’enregistrement des agents au service d’une entité étrangère (Foreign Agent Registration Act). La défense choisie par Monitor est jusqu’à aujourd’hui d’avoir « mal compris la loi ».

Les motifs inavouables de la démission de Mark Fuller

Selon lui, son départ était prévu depuis des mois, et il est signe de la bonne santé de l’entreprise : « c’est une indication claire de ma confiance en notre futur ». Il intervient, toujours selon lui, à un moment où « Monitor est en très bonne position pour défier et transformer l’industrie du conseil, et le monde, par ses contenus innovants et originaux et par un service apporté à ses clients qui reste inégalé ».

Compte-tenu du contexte, on peut toutefois imaginer trois autres hypothèses qui pourraient avoir poussé Mark Fuller à présenter sa démission (ordonnées de la plus gratifiante à la moins avouable) :

  1. « Le chef lave l’honneur de son groupe » Mark Fuller peut avoir voulu, par son sacrifice, tenter de sauver Monitor de l’affaire lourde de conséquences qu’il a lui-même déclenchée.
  2. « Les rats quittent le navire » Il a pu simplement décider de quitter un cabinet dont les dernières années ont été peu glorieuses, et dont ce scandale n’augure rien de bon pour l’avenir.
  3. « La fuite devant la justice » En démissionnant Mark Fuller pourrait tenter de diminuer ses chances de se voir trainé devant les tribunaux (avec des années de prison en jeu).

Ce ne sont là que quelques pistes pour expliquer le geste d’un homme qui considère Monitor comme « une passion centrale dans ma vie ». Il restera peut-être le seul à connaître les véritables motifs de son geste.

Le cas Michael Porter

Michael_Porter

Le business libyen de Monitor a été lancé par Michael Porter avec Saif Kadhafi, il s'est personnellement impliqué pour défendre le fils de Mouammar Kadhafi, et clamait que la Libye n’était pas une dictature, comme dans un article de Business Week : « Les gens parlent de la Libye comme d’une dictature, mais ce pays ne fonctionne vraiment pas comme une dictature […] La prise de décision estlargement répartie ». 

Que risque Michael Porter ? Avant toute chose, c'est sa réputation de gourou de la stratégie qui risque d’être entachée. C’est la raison pour laquelle il s’emploie à s’éloigner de toute l’affaire libyenne. Mais le professeur risque également de se faire sanctionner par la Harvard Business School, comme l’a demandé l’un de ses collègues Harry Lewis, pour "avoir couvert de honte la prestigieuse faculté en acceptant de défendre un dictateur en dépit des évidences et par pur souci lucratif". Cependant, la présidente d’Harvard (Drew Faust), a décidé de ne pas donner suite à l'affaire, en insistant sur l'absence de lien entre le cabinet de conseil Monitor et sa faculté (en dépit du fait qu’il ait été fondé par 8 de ses professeurs).

 

En guise de conclusion, on pourrait sans doute appliquer à cette affaire cette phrase écrite par Mark Fuller lui-même : « C’est au plus haut niveau que l’échec trouve sa source » (dans ses mots, « Failure starts from the top »).

 

Consultor, le portail du conseil en stratégie - 18/05/2011

Parmi les sources utilisées : Business Week, The Washington Post, Motherjones.com, Examiner.com (Michael Richardson), The Harvard Crimson, Firmsconsulting.com

Consultor
18 mai. 2011 à 18:35
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